Pourquoi les employeurs voudraient supprimer le télétravail ?
- Catherine LE MEUR
- 22 avr.
- 6 min de lecture
J’ai eu l’occasion de discuter avec des managers et des directeurs des Ressources Humaines au sujet du télétravail. Ce nouveau mode de travail né il y a quelques années, et qui s’est imposé lors de la période du confinement COVID est aujourd’hui largement remis en question dans beaucoup d’entreprises.
Pourquoi les employeurs rechignent-ils à maintenir le télétravail ?
Le premier point en question est la confiance. La confiance, c’est pourtant le prérequis pour que le télétravail puisse exister. Elle pose notamment la question de l’éligibilité des personnes à la pratique du télétravail, au-delà du fait qu’elle tienne un poste dont les missions sont compatibles : la personne est-elle capable d’organiser elle-même ses journées et ses priorités ?
La confiance est un prérequis pour la pratique du télétravail car laisser une personne en toute autonomie sur une ou plusieurs journées par semaine nécessite un certain lâcher-prise de la part de la ligne managériale. Pour certains managers, il s’agit d’une attitude compliquée à adopter car ils ont une tendance au contrôle qui ne leur permet pas d’être serein à l’idée que leurs collaborateurs travaillent en toute autonomie. Pourtant la question se pose de savoir comment ils sont en capacité de contrôler le travail de leurs collaborateurs même lorsque ceux-ci sont présents au sein des locaux de l’entreprise. Le manager n’est pas toujours derrière l’épaule du collaborateur, fort heureusement, pour vérifier ce qu’il est en train de faire.
Il est vrai cependant que certains collaborateurs commettent des abus autour de la liberté qu’ils ont de télétravailler. Pauses à rallonge ou tendance à faire autre chose pendant leur journée de travail … Les managers n’apprécient pas non plus le fait d’optimiser la pose de télétravail sur des semaines où les salariés ont également des congés, RTT ou jour fériés de manière à limiter au maximum leur présence au sein des locaux de l’entreprise. Et que dire de ce salarié qui, sans en demander l’autorisation à son manager, s'octroie deux semaines de télétravail à l’autre bout du monde ?
De ce point de vue-là les managers et les DRH s’accordent à dire que le télétravail ne provoque pas ses attitudes de non engagement, mais peut servir de révélateur. En général, ils ne découvrent pas le caractère de leurs collaborateurs car leur comportement préexiste au sein de l’entreprise et sur tous les autres domaines.
Le nécessaire maintien du collectif de travail
Il ressort de mes échanges que là où le bât blesse le plus sur le télétravail, c’est le risque qu’il fait prendre sur le collectif de travail. Le collectif de travail, c’est la communauté qui unit les collaborateurs vers l’atteinte commune des objectifs de leurs services, mais aussi la communauté de vie, car on passe tout de même minimum 35 h par semaine au travail.
En fonction des jours de télétravail pris par les uns et les autres, on pourrait arriver à des situations très dégradées où deux collègues du même service ne se voient plus jamais de visu. Comment maintenir une relation efficace dans ces conditions ?
Certains managers m’expliquent également avoir constaté des comportements inattendus de la part de leurs collaborateurs, comme le fait de ne plus dire Bonjour ou au revoir lorsqu’ils sont sur site. Après tout, c’est vrai, lorsqu’on est en télétravail on ne se connecte pas à tous les collègues pour les saluer le matin et on ne les contacte pas non plus en fin de journée. Pourtant, ce sont des attitudes tout à fait habituelles lorsque on croise visuellement ses collègues. Certaines personnes ayant pris l’habitude de ce mode de fonctionnement en télétravail le dupliquent sur le lieu de travail et en oublient les règles élémentaires de politesse.

Pourquoi est ce important de maintenir un collectif de travail dans l’entreprise ?
Pour l’entreprise, bien évidemment le collectif de travail est une source de performance :
D’une part le fait de bien se connaître dans une équipe va inciter à plus de collaboration entre les salariés, plus de solidarité et de ce fait une meilleure atteinte des objectifs individuels ou communs.
Par ailleurs le fait de se côtoyer, de discuter ensemble, ouvre également une grande source de créativité, notamment sur la résolution des problèmes. En effet, l’intelligence collective est un processus de construction d’une idée sur la base des idées déjà exprimées. C’est un peu comme lorsqu’on construit une tour en empilant des briques. la brique ultime tout en haut de la tour qui sera l’idée finale validée et appliquée ne peut avoir vu le jour que parce qu’une dizaine d’autres étages de briques auront préalablement été posés par l’ensemble des contributeurs du collectif.
Le collectif de travail est également important pour les individus :
D’une part il les préserve du stress et de l’isolement. En effet, on a pu constater l’apparition d’un burn out lié à la solitude chez un certain nombre de personnes lorsque le télétravail était imposé par le confinement. Partager ses soucis au sein d’un collectif permet également de mieux gérer son stress.
Par ailleurs la communauté de travail est une source de réalisation sociale pour tout un chacun.
Etant donné les inconvénients du télétravail, on comprend mieux les employeurs qui souhaiteraient y mettre fin. Mais est-ce réaliste ?
Peut-on se passer du télétravail ?
Avant le COVID, beaucoup d’employeurs hésitaient à mettre en place le télétravail. Contraints et forcés par les confinements, ils ont été amenés à constater que le télétravail était possible et que l’entreprise pouvait continuer à fonctionner. Les outils modernes de connexion leur ont permis de maintenir leur activité pendant cette période.
Un grand atout du télétravail est de limiter les transports. A la fois les transports quotidiens des salariés qui économisent ainsi temps et coût de trajet, gagnant en bien-être. Mais aussi la limitation des déplacements très coûteux pour l’entreprise dans le cadre des échanges nationaux ou internationaux. Ces économies de trajet sont également vertueuses pour la planète et pour toutes les entreprises sensibles à leur empreinte carbone.
Le télétravail peut également permettre de se concentrer sur son travail en évitant les interruptions. Pour certaines activités (rédaction de documents, analyses,…) cela peut faire gagner en productivité. Il conviendra de bien déterminer la fréquence à laquelle la personne a besoin de temps de concentration.
Le télétravail est tellement entré dans les mœurs qu’il est devenu un élément clé de l’attractivité de l’entreprise. Dans certaines entreprises d’ingénierie, le télétravail est devenu tout bonnement une condition à l’embauche du point de vue des candidats. Or sur ces profils pénuriques, les entreprises ne peuvent renoncer à cette modalité d’organisation car elles se priveraient d’un pan de leur vivier.
Les entreprises ne peuvent plus se passer du télétravail. lors comment faire en sorte qu'il reste bénéfique pour elles autant que pour les salariés ?
Comment aménager au mieux le télétravail ?
La première condition pour que le télétravail continue de bénéficier à l’entreprise et à ses salariés, est de très bien encadrer ses modalités. Cela signifie définir les conditions d’éligibilité, la fréquence du télétravail, le lieu du télétravail et de partager avec le collaborateur la responsabilité de ce qui peut lui arriver sur son lieu de télétravail. Il est important également de rappeller le droit à la déconnexion. Le fait de fixer des règles claires et uniformes permet d’éviter les flous, les incompréhensions, et de limiter les abus.
Cet encadrement des conditions du télétravail peut se faire soit par accord collectif convenu avec les représentants du personnel, soit définit unilatéralement par une charte de l’employeur, ce qui donne à ce dernier une grande maitrise du sujet.
Une fois que le cadre est bien défini, il s’agit de le faire respecter et de ne pas hésiter à sanctionner les comportements qui vont à l’encontre.
Pour ce faire, il est important d’accompagner les managers, car le télétravail se manage. L’entreprise peut leur proposer des formations spécifiques au management du télétravail, où on leur rappellera les modalités définies dans l’entreprise afin qu’elles soient connues et respectées. L’entreprise peut également leur fournir du support pour l’application de ces modalités, notamment des modèles de messages ou des trames d’entretien.
Comment limiter le télétravail ? La plupart des entreprises raisonnent en nombre de jours de télétravail à prendre par semaine. On peut également inverser le système et raisonner en jours de présence. Par exemple, au lieu d’autoriser la prise de 2 jours de télétravail par semaine, on dira que la prise de jours de télétravail ne pourra pas aboutir à une présence inférieure à 3 jours par semaine. Cela signifie que les semaines qui comprennent déjà un jour férié, un jour de RTT ou de congé, cela limitera mécaniquement le nombre de jours de télétravail.
Autre point dans l’aménagement des jours de télétravail, il appartient au manager, en conformité avec l’accord collectif ou la charte d’entreprise, de définir les jours pendant lesquels les personnes peuvent prendre leur télétravail. Il peut ainsi imposer des jours où la présence de tous est requise, afin de s’assurer de maintenir le collectif de travail. A l’inverse il peut imposer la présence minimum de deux personnes dans le service, afin qu’un collaborateur ne se retrouve pas seul présent.
En conclusion, le télétravail, comme tous les autres outils de management, a ses avantages et ses inconvénients. Bien utilisé et bien accompagné, il peut continuer à œuvrer pour le bénéfice à la fois des employeurs et des collaborateurs.
Vous aussi, vous vous interrogez sur vos pratiques de télétravail et souhaitez faire le point ? Contactez moi pour un d
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